quarta-feira, 20 de dezembro de 2006

A preocupação da verdade

"L'une des conclusions les plus intéressantes du rapport Baker-Hamilton réside dans le constat que, depuis la guerre d'Irak, le gouvernement américain a souvent cherché à écarter les informations qui allaient à l'encontre de sa politique et que ce refus de tenir compte de la vérité a eu des effets néfastes. (...) Autrement dit, le gouvernement américain a tenu la vérité pour une valeur négligeable, qui pouvait facilement être sacrifiée à la volonté de puissance.
Alors que des centaines de prisonniers croupissent, depuis cinq ans déjà, dans le camp de Guantánamo, sans jugement ni possibilité de se défendre, soumis aux traitements dégradants, on déclare que les Etats-Unis mettent leurs forces au service des droits de l'homme. Ceux-là même qui se disent l'incarnation de la liberté ont légalisé l'usage de la torture.
(...)
Ce qui est surprenant, en revanche, c'est qu'il ait été possible, pendant près de cinq ans, dans une grande démocratie comme les Etats-Unis, de mettre entre parenthèses la question de vérité. Il y a de quoi être inquiet : malgré le pluralisme des partis, malgré la liberté de la presse, on peut donc convaincre la population d'une démocratie libérale que le noir est blanc, et le blanc, noir. Comment s'explique cette vulnérabilité ?
(...) Le pays a pu être submergé par la vague patriotique, qui reléguait à l'arrière-plan le souci de vérité. A son tour, cet abandon du devoir de vérité chez les faiseurs d'opinion s'explique, non par une intention maligne, mais par le sentiment de peur qui s'est emparé de la population du pays à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
...) Or la peur est mauvaise conseillère et il faut avoir peur de ceux qui vivent dans la peur.
Les pays européens sont-ils mieux protégés que leur ami américain contre cette dérive produite par la peur, cette propension à ignorer la vérité pour aller au plus vite vers les objectifs que l'on s'est fixés ? (...) Mais il ne faudrait pas trop compter là-dessus (...).
Ce n'est pas parce qu'un danger est réel que les mesures prises contre lui deviennent légitimes.
(...)
Dans les pays totalitaires, la vérité est systématiquement sacrifiée à la lutte pour la victoire. Mais dans un Etat démocratique, le souci de vérité doit être sacré : sont en jeu les fondements mêmes du régime. Ce qu'avait bien compris Germaine Tillion : membre d'un des premiers réseaux de résistance à Paris, elle avait rédigé en 1941 un tract dans lequel elle appelait ses compagnons de combat de ne jamais transiger avec la vérité, même si cela ne devait pas immédiatement contribuer à la victoire : «Car notre patrie ne nous est chère qu'à la condition de ne pas devoir lui sacrifier la vérité».


Tzvetan Todorov, pensador humanista, fugiu do regime comunista na Bulgária em 1963. Vive em França. Este seu artigo, sob o título "Le souci de vérité", foi ontem publicado pelo jornal «LIBÉRATION».

PS. Copiado e sublinhado especialmente para o sapatinho de Natal do Dr. Pacheco do Abrupto.